Les actions automobiles injustement boudées

Le secteur automobile a mauvaise presse actuellement. Pourtant, BMW et Mercedes-Benz figurent toujours dans le top 10 des portefeuilles de Flossbach von Storch. Explications par Simon Jäger.

Peu d’actions suscitent autant d’émotions que celles des constructeurs automobiles. Tout le monde connaît leurs produits et beaucoup ont un avis bien tranché. Pourtant, un certain nombre d’éléments doivent être pris en compte lorsque l’on s’intéresse au secteur.

La notoriété internationale de ses marques, les révolutions technologiques, les influences politiques ou les processus de production complexes constituent autant de défis. En 2021, dans un tweet, Elon Musk qualifiait d’« infernale » la production de masse de véhicules automobiles : « Prototypes are easy, Production is hard » (faire un prototype, c’est facile, mais produire, c’est difficile) affirmait-il alors. Même le patron de Tesla a frisé la faillite avant de ramener l’entreprise dans le vert. La forte sensibilité à la conjoncture, les besoins élevés en capitaux et les marges moyennes plutôt faibles expliquent en outre pourquoi de nombreux investisseurs passent leur tour.

Pourquoi, alors, investissons-nous dans l’automobile ?

Sur les plus de 1500 constructeurs automobiles fondés aux États-Unis depuis 1900, la quasi-totalité ont fait faillite ou mis un terme à leur activité au moins une fois. Deux font exception : Ford et Tesla. Un siècle plus tard, le marché mondial s’est consolidé : seuls quelques constructeurs d’envergure subsistent. Si l’avènement de l’électromobilité a entraîné une vague de nouvelles créations ces dernières années, nombre de ces entreprises voient déjà leur ​ existence menacée ou ne gagnent pas d’argent.

Les dix plus grandes marques, dont font notamment partie VW et Stellantis, captent près des trois quarts du marché mondial de l’automobile. Nous avons décidé d’éviter les producteurs de masse et d’investir dans le segment premium. Nos fonds incluent ainsi des actions de BMW et de Mercedes-Benz.

Nous avons choisi ces marques précisément parce que leurs produits se démarquent de la masse. Leurs véhicules ne sont pas des biens de luxe, mais des produits de qualité, attrayants. Même s’il ne garantit pas, en soi, des marges bénéficiaires élevées, ce positionnement sur la qualité représente tout de même un bon prérequis pour y parvenir. En effet, le rayonnement émotionnel de ces marques assure un meilleur pouvoir de fixation des prix. Les clients leur attribuent une valeur ajoutée supérieure à celle des fabricants de masse.

Défis et solutions

Les habitudes changent, c’est indéniable. La mobilité ne se définit plus comme il y a vingt ans. Les jeunes mettent un point d’honneur à souligner que les expériences ont pour eux plus de valeur que les choses matérielles. En outre, les services de transport peuvent se substituer à la voiture individuelle dans les métropoles. Cependant, un besoin de mobilité individuelle subsiste dans notre société. Même si cela reste (ou peut devenir) le mode de transport le moins coûteux et le plus efficace, tout le monde ne souhaite pas se rendre de A à B dans un train susceptible de prendre du retard ou dans un simple taxi. Nombreux considèrent leur BMW ou leur Mercedes- Benz comme un « tiers-lieu », comme le définit Starbucks : un environnement personnel entre le domicile et le lieu de travail, dans lequel on se sent bien.

Selon nous, BMW et Mercedes-Benz offrent non seulement des produits attrayants, mais aussi d’autres gages de qualité qui les rendent intéressantes à nos yeux et les protègent des attaques de nouveaux concurrents. Toutes deux possèdent une riche expérience dans la construction automobile – tant dans la gestion de l’entreprise que dans le passage vers une production industrielle de masse. Depuis vingt ans, Mercedes-Benz peut ainsi compter sur un partenaire fiable dans sa joint-venture chinoise, BAIC. BMW est le plus important exportateur de véhicules aux États-Unis. Les deux sociétés ont toujours maîtrisé avec brio les fluctuations de la conjoncture mondiale. Le réseau de fournisseurs sectoriels, qui emploie plusieurs millions de personnes et couvre les quatre coins de la planète, s’adapte précisément à leurs besoins.

Elles connaissent les forces politiques d’influence dans tous les pays du monde et ont optimisé, au fil des années, les dispositifs de sécurité relatifs à l’approvisionnement et au stockage des marchandises. Les deux entreprises travaillent avec une large part de « contenu local » : elles produisent sur place une grande partie des véhicules distribués dans leurs différents débouchés. ​ En outre, elles proposent chacune une gamme de produits adaptée pour les clients chinois ou américains, et notamment des versions allongées ou des véhicules tout-terrain XXL – une plus-value que même Tesla, pourtant portée aux nues sur les places boursières, n’offre pas encore.

De nouveaux concurrents

Bien sûr, tout ne se déroule pas toujours comme prévu. Par exemple, la transition à la mobilité électrique a débuté de manière trop hésitante et les exigences des clients chinois en matière de systèmes d’infodivertissement ont donné du fil à retordre aux deux acteurs. Cela explique la multiplication des mises en garde, aujourd’hui, contre les attaques des concurrents chinois sur le pré carré des marques allemandes traditionnelles. ​ Au fil de l’histoire, toutefois, les deux entreprises sont sorties grandies de défis semblables. Car avant les Chinois, les Japonais ont envahi le marché mondial, puis les Coréens. BMW et Mercedes-Benz ont toutefois réussi à affirmer leur positionnement de constructeur premium et nous sommes confiants vis-à-vis de leur capacité à le faire aussi dans la phase actuelle, marquée par de fortes incertitudes.

Plusieurs signaux confortent notre opinion. Ainsi, chez BMW, pas moins de 15 000 personnes sont actives dans la recherche et le développement (R&D). Mercedes-Benz consacre chaque année dix milliards d’euros à la R&D. Jusqu’ici, c’est la seule marque dont les véhicules atteignent le niveau trois sur cinq en matière de conduite autonome. Même Tesla et ses concurrents chinois ne sont pas (encore) si loin.

Réflexion à long terme

La réussite d’un investissement peut se mesurer à l’aune de deux éléments. La première est l’écho dans la presse financière – marqué ces derniers mois par des propos pour le moins virulents. Des gros titres tels que « Nouveau tremblement de terre dans l’automobile : le bénéfice de BMW s’effondre de 37 % » ou, paru peu après, « Les actionnaires perdent 20 milliards d’euros » donnent l’impression d’un enchaînement de nouvelles catastrophiques. Or, les médias étudient généralement l’évolution des cours sur des périodes brèves.

Le deuxième point de vue que l’on peut adopter est celui d’un investisseur axé sur le long terme. Ce dernier s’attache moins aux fluctuations intermédiaires des cours qu’à ce qu’il est advenu de son investissement initial au bout de dix ans, voire plus.

Nous pensons que la deuxième approche est la plus appropriée. Un investissement dans BMW et Mercedes-Benz a-t-il jusqu’ici porté ses fruits ? Évidemment, ces deux derniers ont dû ​ surmonter divers obstacles rien que sur les cinq dernières années, et notamment une révolution technologique en matière de systèmes d’infodivertissement et d’assistance, l’avènement de l’électromobilité, qui a nécessité d’importants investissements de capitaux, ainsi que depuis peu, une véritable crise commerciale. Prenons un peu de recul par rapport à cette période et examinons l’évolution sur le long terme du cours des deux actions par rapport au MSCI World (voir graphique 1).

Ces derniers mois, les incertitudes liées à la crise commerciale se sont traduites par une baisse des valorisations. Si l’on replace ce reflux dans le parcours à plus long terme des actions, l’on constate que de tels revers associés à des incertitudes se sont produits régulièrement au fil de l’histoire, mais qu’ils ont été suivis par des redressements d’autant plus marqués.

Mais dans quelle mesure l’évolution des actions des constructeurs automobiles est-elle liée à celle des bénéfices ? L’on constate que les bénéfices de Mercedes-Benz et de BMW sont en net recul par rapport à l’an dernier (voir graphique 2). Ce reflux des bénéfices doit cependant lui aussi être mis en contexte. Après la pandémie, à partir de 2020, les consommateurs ont été plus nombreux à acheter davantage de biens de consommation durables, si bien que la base de ​ comparaison des revenus de ces entreprises était relativement élevée.

Ce que la presse considère comme une série de mauvaises nouvelles, nous le voyons plutôt comme une normalisation permettant à ces deux entreprises de renouer avec la moyenne à long terme de leurs revenus. L’on peut évidemment se demander si l’on va cette fois-ci connaître une rupture structurelle et si BMW et Mercedes-Benz vont perdre leur hégémonie. Ces risques sont l’une des explications aux valorisations relativement faibles.

Ils ouvrent toutefois aussi des opportunités. D’une part, les entreprises sont devenues plus flexibles en termes de production et d’innovation. Elles peuvent s’adapter rapidement aux nouveaux concurrents ou lieux de production. D’autre part, BMW et Mercedes-Benz sont en position de force. Au cours des cinq dernières années, et malgré les lourds investissements consentis, elles ont généré ensemble plus de 77 milliards d’euros de cash-flow disponible et disposent d’une trésorerie qui se compte en dizaine de milliards d’euros, malgré les dividendes versés. Troisièmement, l’histoire témoigne de la récurrence de ces défis – qui ont toujours été surmontés par ces deux acteurs.

C’est pourquoi ces deux entreprises, malgré leur sensibilité relativement forte à la conjoncture, ont apporté une contribution précieuse à la performance de nos fonds. Il convient toutefois de préciser que l’architecture globale du portefeuille joue un rôle déterminant. L’objectif est de combiner différents modèles d’activité, profils de revenus et cycles pour renforcer la capacité de résistance dans divers scénarios de marché. Il est essentiel, à cet égard, de trouver un équilibre entre les différents modèles d’activité. Dans cette perspective, BMW et Mercedes-Benz ont résolument leur place dans notre portefeuille.

Serge Vanbockryck

Senior PR Consultant, Befirm

 

Share

Recevez des mises à jour par e-mail

En cliquant sur « S'abonner », je confirme avoir lu et accepté la Politique de confidentialité.

À propos de Flossbach von Storch

Flossbach von Storch est l'un des principaux gestionnaires d'actifs indépendants en Europe, avec plus de 70 milliards d'euros d'actifs sous gestion et plus de 300 employés. La société a été fondée à Cologne en 1998 par le Dr Bert Flossbach et Kurt von Storch. Ses clients sont des investisseurs de fonds, des investisseurs institutionnels, des particuliers fortunés et des familles. 

Toutes les décisions d'investissement sont prises sur la base de la vision du monde propre à la société, qui repose sur l'analyse critique des contextes économiques et politiques. En tant que société gérée par son propriétaire, Flossbach von Storch n'est pas lié par les directives d'une banque ou d'une entreprise.